Salah Philippe
Du haut de son rocher Un macaque
méditait, prenant à témoin un arbousier centenaire, essoufflé par plusieurs
années de sécheresse,
il lui disait tout bas afin de ne pas troubler la quiétude de la vallée.
Jadis, il y avait là quelques brebis et un
jeune berger qui nous enchantait au son de sa flûte, c’était au temps où dame
nature régnait en maîtresse absolue sur son royaume et puis, ils sont arrivés !... Ceux de ma commune avec bennes et camions
mettre de l'ordre au paysage devenu lassant avec ses fougères, son thym, son
romarin et ses petits sentiers étroits.
Ainsi, par petits monts, jour après jour,
un a un, des tas d'immondices éparpillés ça et là sans ménagement, un dépotoir
vit le jour.
Des espèces inconnues d’oiseaux s’en échappèrent, ils
étaient d’un genre que je ne connaissais pas.
Ce n'est ni le geai, ni la pie, ni le
corbeau, ceux de ma commune l'appelle le "mica", ces drôles d'oiseaux
en plastique noir qui volent au gré du vent, c'est encore un cadeau des hommes,
merci quand même de la part du singe et c'est signée la forêt, nous étions déjà
un 6 novembre 1995.
De mémoire de singe on n'avait jamais vu
cela, mais de mémoire d'arbousier, dans sa tendre jeunesse, il avait entendu
parler les anciens.
Au delà les océans, par monts et vallées,
les paroles d'un sage leurs étaient parvenues, portées par un nuage du temps où
le ciel n'était pas avare de pluie.
"Ecoute ! Ouvre bien tes oreilles car tu es un sauvage
et tu ne comprends pas, que
toute chose qui pourrait t'arriver peut m'arriver, toute chose est liée.
Tout ce qui arrive à la terre arrive aux
fils de la terre. Lorsque les hommes crachent sur la terre, ils crachent sur
eux-mêmes...
L'homme n'a pas tissé la toile de la vie, iI
n'est qu'un fil du tissu. Tout ce qu’il fait a la toile, il le fait a lui
même... "
Si tu veux qu'un jour ton petit fils
rencontre l'arbousier, il pourrait lui raconter comment son aïeul a écouté les
paroles du sage.
Pour BOUGUENOUS,
communément appelé le géant dormant, la décision fut facile à prendre, dès l'aube, tous les plans
furent établis, la guerre sera sans merci.
Le passage se fera par Taghbaloute N'Ou Hlima,
mais allons plus loin car le site est trop connu, inauguré par une belle
journée des années 50, mais ne dit-on pas que la bêtise est humaine et que
venue des hautes montagnes la bête au poil hirsute, la démarche de primate a
éraflé de ses ongles métalliques et acérés le site en son flanc et a déraciné à
jamais la mémoire de plusieurs générations d'estivants qui venaient des quatre
coins du pays et depuis ce jour, la source a perdu son nom, défigurée, elle a
préféré les méandres des profondeurs de la terre à la compagnie des hommes.
Allons plus haut, Bir Al Watan, encore un lieu chargé d'histoire, plus haut toujours
plus haut, une borne au kilomètre 7. Telle une épitaphe, là entre les bosquets, l’emplacement idéal pour un
complot.
Tout fut étudié, sens du vent, écoulement
des eaux, infiltration, point géodésique, altitude, enfin tout un dossier avec
ou sans le concours des Eaux et Forêts. Vite, profitons de son sommeil,
larguons le tout entre ses bras, le singe n'y verra que du feu.
Les sentiers verts devinrent des sentiers
de guerre, guettons l’ennemi des plus hautes cimes de chênes verts connus au
pays.
Le charbonnier aidant, des charbonnières
telles des termitières géantes fument de jour comme de nuit, c’est encore un
signal d’indien.